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Couchée sur le ventre dans des draps de satin qui caressaient délicieusement sa peau, Océane ouvrit les yeux. Il était neuf heures du matin. Sa vie avait beaucoup changé depuis que l’ANGE l’avait dépêchée à Jérusalem. Ses patrons lui avaient demandé d’éliminer l’Antéchrist avant qu’il ne sème la destruction sur toute la Terre, mais elle n’en avait encore rien fait, car elle n’était pas encore convaincue que ce tyran soit Asgad Ben-Adnah.
Pour se rapprocher de lui, Océane l’avait tout simplement séduit. Puis elle avait passé les semaines suivantes à observer son comportement, pour finalement constater qu’il n’y avait pas une seule once de méchanceté dans le sang de cet homme. Au contraire, partout où il allait, il ne faisait que du bien.
Ben-Adnah ne tenant pas à étaler sa vie privée en public, il fréquentait Océane en secret et ne l’emmenait jamais avec lui lors de ses voyages à l’étranger. Depuis qu’Asgad avait réglé le conflit entre les Israéliens et les Palestiniens, les chefs des états environnants l’invitaient les uns après les autres, afin de bénéficier de ses conseils. Ses succès dans les affaires internes de ces pays étaient d’ailleurs impressionnants. Même si Océane ne voulait pas tomber amoureuse de ce galant homme, elle ne pouvait toutefois s’empêcher de l’admirer.
L’agente fantôme de l’ANGE s’étira paresseusement. Puisque son travail consistait à superviser les travaux de relocalisation des édifices ancestraux de la vieille cité de Jérusalem dans le désert, elle n’était pas obligée d’arriver sur le chantier au lever du soleil. La plupart des ouvriers savaient qu’elle était la maîtresse de leur employeur, alors ils la traitaient avec le plus grand respect. Jamais ils ne lui faisaient de remarques désobligeantes au sujet de ses retards, de plus en plus fréquents.
— Je suis en train de rouiller, ici, soupira Océane, découragée.
Elle fila sous la douche, puis ouvrit son immense penderie pour contempler sa garde-robe grandissante, car chaque fois que son amant devait s’absenter pendant quelques jours, il se faisait pardonner en lui faisant cadeau d’une robe, d’un costume élégant ou de bijoux.
Océane enfila un pantalon noir et une chemise de soie de couleur sable. Avant cette affectation en Terre sainte, elle n’avait jamais quitté le Québec. Maintenant, elle se déplaçait régulièrement entre Jérusalem et le désert de Judée, « Ma mère serait fière de moi », pensa la jeune femme, sauf que l’excentrique Andromède préférait désormais recréer ses endroits favoris dans son propre jardin.
Grâce à Asgad, Océane n’avait jamais eu à conduire une voiture dans son nouveau pays. L’homme d’affaires avait mis à sa disposition un vieux chauffeur au visage parcheminé qui ne risquait pas de la lui ravir. Ce dernier la menait où elle le voulait, sans jamais poser de questions. Même si Océane l’aimait beaucoup, elle prenait néanmoins garde de lui faire des confidences.
Océane se fit tout d’abord conduire dans la vieille cité de Jérusalem. Le nombre d’ouvriers travaillant au démantèlement des lieux saints était frappant. Des airs, on se serait cru devant une fourmilière géante. Les équipes se relayaient constamment pour que le terrain soit bientôt prêt à recevoir le temple universel. Jour après jour, Océane observait le même spectacle, lisait les mêmes rapports et inspectait les mêmes lieux. Asgad lui avait fourni un échéancier et il tenait mordicus à ce qu’il soit respecté.
« Encore quelques semaines et les entrepreneurs pourront commencer à niveler le sol pour ériger les fondations » constata l’agente, satisfaite. Elle remonta dans la limousine et se fit conduire sur la vaste plaine où l’on reconstituait systématiquement les bâtiments que l’on démantelait à Jérusalem, De gros camions transportaient chaque édifice par sections que les ouvriers s’affairaient ensuite à rassembler, bloc par bloc.
— Merci, Herschel, fit Océane en descendant de la limousine.
— Je viens vous chercher pour le dîner ? demanda le vieux chauffeur avec un fort accent.
— Comme d’habitude.
La jeune femme poursuivit sa route jusqu’à la guérite qui donnait accès aux constructions. Le gardien la salua sans lui demander de montrer son badge d’identité. Océane marcha sans se presser en consultant le plan qu’elle tenait à la main. Tout semblait se dérouler tel que prévu. Elle dépassa la nuée de travailleurs qui alignaient savamment les pierres géantes à l’aide de grues monstrueuses, comme s’il s’agissait d’un simple casse-tête.
— Tout à fait génial, se réjouit Océane.
Elle se rendit jusqu’à la mosquée, maintenant achevée, mais dans laquelle les fidèles ne pouvaient pas encore se rendre. Le soleil inondait les lieux et un vent caressant courait entre les édifices en levant des filets de sable sur son passage. Océane grimpa sur un muret pour admirer le paysage. La silhouette d’un homme se détacha alors du mur de l’édifice derrière elle.
— Quand te décideras-tu à le tuer ? lança Thierry Morin, sur un ton de reproche.
Océane fit volte-face, prête à se défendre.
— Oh, ce n’est que toi, se relaxa-t-elle.
— Autrefois, tu me réservais un accueil plus chaleureux.
— Tu t’attends à ce que je te saute au cou après m’avoir fait mourir de peur ?
— Réponds à ma question.
La jeune femme descendit de son perchoir et examina attentivement l’ancien policier du Vatican. Il avait une mine terrible. Ses cheveux blonds, qu’il ne coupait apparemment plus, couvraient ses oreilles et sa nuque. S’il n’avait pas été un Naga imberbe, il aurait probablement aussi eu la barbe longue. Ses vêtements, cependant, étaient impeccables.
— Beau complet, observa Océane.
— Je les emprunte tous les jours dans les meilleures boutiques, expliqua-t-il.
— Tu ne prends pas bien soin de toi, par contre.
— Cela ne fait pas partie de mes priorités.
Océane s’approcha prudemment du reptilien et tenta de l’embrasser. Il s’écarta sans cacher sa colère.
— Autrefois, tu ne m’aurais pas refusé ce baiser, lâcha-t-elle en boudant à son tour.
— Comment pourrais-je croire que tu m’aimes encore alors que tu partages le lit de l’Antéchrist ?
— Tu nous espionnes à travers les murs ? se fâcha-t-elle.
— Si je ne l’ai pas encore tué moi-même dans son lit, c’est parce que tu n’aurais pas le temps de t’enfuir. Je ne voudrais pas qu’on t’inculpe d’un meurtre que j’ai commis.
— Et si c’est moi qui le tue, ça pourrait tout aussi bien m’arriver. Tu ne me dis pas la vérité, Thierry. Je peux le lire sur ton visage.
Il recula comme pour retourner dans la pierre.
— Pas question ! s’opposa Océane en lui saisissant le bras.
À sa grande surprise, le Naga ne résista pas. Ce, qui étonna davantage la jeune femme fut le contact de sa peau glacée. Il faisait pourtant chaud comme dans un four !
— Es-tu souffrant ? demanda Océane d’un air sérieux.
Thierry demeura muet comme une carpe.
— Mets tes émotions de côté pendant un instant et réponds-moi, insista-t-elle.
— Le poison de Perfidia me fait la vie dure ces temps-ci.
Océane s’en voulut d’avoir oublié qu’il avait souffert à cause d’elle dans l’antre de ses pires ennemis. Les amis spartiates du Naga avaient bien tenté de lui venir en aide, mais ils ne possédaient pas les ressources de la Fraternité qui avait depuis abandonné le traqueur.
— Il te reste combien de temps à vivre ? s’enquit la jeune femme, dans un murmure angoissé.
— Je n’en sais rien. De toute façon, si quelque chose vient à bout de moi, ce ne sera pas le venin de la reine des Dracos, mais ta trahison.
— Pourquoi faut-il que tu sois toujours aussi dramatique ? Les Nagas apprennent-ils à parler en lisant du Shakespeare ?
— Regarde-moi dans les yeux et jure-moi que tu m’aimes encore.
Océane s’approcha à un centimètre du visage du reptilien.
— Je t’aime encore.
Ils échangèrent alors un long baiser qui rappela à Océane tous les bons moments qu’elle avait passé avec le varan.
— C’est toi qui me fais le plus souffrir, murmura-t-il à son oreille.
— Je suis seulement en train de faire mon travail, Thierry.
— Ne couche plus avec lui.
— Il n’y a que dans les chambres d’hôtel que je peux le voir seule à seul. Le reste du temps, il est toujours flanqué de ses gardes du corps, qu’il a embauchés au pays des Cyclopes.
— Alors dépêche-toi de lui planter un couteau dans le cœur parce que je n’en peux plus de te savoir dans ses bras.
— Il faudrait d’abord que je puisse en transporter un jusqu’à lui. Les détecteurs de métal auraient tôt fait de me dénoncer. Asgad est devenu un personnage très important sur la scène politique. Ne l’aborde pas qui veut.
— Dans ce cas, pourquoi ne pas l’avoir descendu avant qu’il n’en arrive là ?
— Parce que je ne suis pas entièrement convaincue qu’il est l’Antéchrist.
— L’ANGE en est persuadée, et toi, tu en doutes ?
— Il est facile de se méprendre sur l’identité d’une personne, surtout quand la seule description qu’on en donne provient de la Bible.
— Tous les signes sont là ! Le traité de paix de sept ans ! La reconstruction du Temple de Salomon ! La prise en charge d’autres états !
— Mais il n’a pas l’âme d’un malfaiteur.
— Il torturera et fera tuer un tiers de la population mondiale sans le moindre remords ! cria le Naga.
— En convainquant les gouvernements de signer des traités de paix ? riposta Océane, incrédule. Parce que c’est ce qu’il est en train de faire. Il donne de l’argent aux pauvres. Il fait construire des hôpitaux. Il veut même offrir à tous les peuples un temple où ils adoreront un seul dieu !
— Et ce dieu, ce sera lui.
— Décidément, tu as l’esprit tordu quand tu es jaloux.
— Celle d’entre nous qui n’a pas toute sa raison en ce moment, c’est toi.
Océane s’éloigna de lui avec une moue boudeuse.
— Apprends au moins à connaître Asgad, suggéra-t-elle.
— As-tu complètement oublié que c’est un Anantas ? Tout comme les Dracos, ces reptiliens ont la faculté de flairer les traqueurs.
— J’ai du sang reptilien et il ne m’a jamais fait de mal.
— Parce qu’il s’agit du même sang que le sien.
Océane ne pouvait pas réfuter cette affirmation.
— Que sais-tu vraiment des reptiliens ? poursuivit Thierry, impitoyable. Les quelques bribes que j’ai trouvées dans votre base de données à l’ANGE ? Les Nagas, eux, les étudient depuis des milliers d’années. Tes patrons t’ont-ils au moins mise en garde contre le pouvoir de persuasion des Anantas ? Tout comme les serpents, ils ont la faculté d’hypnotiser les gens pour leur faire faire tout ce qu’ils veulent.
— On dirait bien que la mienne est débranchée, puisque tu ne m’écoutes jamais.
— N’essaie pas de me faire croire que ton nouvel amant réussit si bien auprès des gouvernements étrangers grâce à ses seuls talents de négociateur. C’est un Anantas ! Il n’a qu’à planter son regard dans les yeux de son interlocuteur pour le manipuler comme un pantin.
— Dans ce cas, pourquoi t’inquiètes-tu de mes sentiments pour lui ? N’est-il pas évident qu’il m’influence moi aussi ?
— Océane, je suis sérieux. Si tu ne le descends pas rapidement, le jour où tu auras décidé d’en finir avec lui, il est certain qu’il t’obligera à retourner ton arme contre toi-même et, crois-moi,-tu le feras.
Elle ouvrit la bouche pour protester, mais ses mots furent assourdis par un tonnerre de bottes militaires accourant vers elle. Thierry s’enfonça dans la pierre avant que les hommes ne tournent le coin de l’allée. Il demeura cependant près de la surface du mur, afin de voir ce qui se passait et d’intervenir, au besoin.
Un régiment de soldats israéliens entoura prestement Océane, qui jugea plus prudent de ne plus faire un geste.
— Que se passe-t-il ? s’inquiéta-t-elle.
— Il y a eu un attentat à la vie de monsieur Ben-Adnah.
« Ils ne peuvent certainement pas penser que j’en suis responsable ! s’étonna Océane. Je suis en Israël et il est en Syrie ! ».
— Vous devez nous accompagner, poursuivit l’officier. Nous avons reçu l’ordre de vous protéger à tout prix s’il devait arriver malheur à monsieur Ben-Adnah.
— Est-il mort ?
— Il est dans un état critique, mais nos meilleurs médecins sont auprès de lui.
Océane n’eut d’autre choix que de suivre les soldats jusqu’au véhicule blindé qui les attendait. Elle prit place au milieu des hommes en silence, se doutant qu’ils ne la reconduiraient pas chez elle. Le camion s’arrêta une heure plus tard devant un immeuble qui ne lui était pas du tout familier. En fait, Océane n’était même pas certaine d’être à Jérusalem.
On la fit monter dans une cage d’ascenseur qui la mena aussitôt dans les profondeurs de la terre. « Ce serait drôle que je me retrouve dans la base de l’ANGE », pensa Océane. Lorsque les portes glissèrent devant elle, ce fut plutôt le bourdonnement d’un centre stratégique militaire qui l’accueillit.
— Je ne comprends pas pourquoi vous m’emmenez ici, avoua-t-elle à son escorte.
— C’est l’endroit le plus sûr que nous possédions, mademoiselle Orléans. Dès que monsieur Ben-Adnah nous en donnera l’ordre, nous vous relâcherons.
« Et s’il meurt ? » s’inquiéta la jeune femme. Elle suivit ses protecteurs jusqu’à une petite chambre qui n’offrait pas le quart du confort auquel elle était maintenant habituée.
— Voulez-vous du café ? lui offrit poliment le soldat.
— Je préférerais de l’eau, si possible.
— Oui, certainement.
Une fois seule, Océane examina son refuge temporaire : il ressemblait aux petits locaux de la base ontarienne où elle avait si souvent dormi avant de partir pour la Terre sainte. Elle alluma le téléviseur posé sur la commode et n’eut aucune difficulté à trouver une chaîne qui couvrait la tentative d’assassinat du plus grand conciliateur de tous les temps. Malheureusement, Océane ne parlait pas la langue du pays. Lorsque le soldat israélien revint enfin dans la pièce, pour lui remettre une bouteille d’eau froide, elle lui demanda de lui traduire sommairement le bulletin de nouvelles.
— Ils disent que l’attentat a échoué parce que monsieur Ben-Adnah est toujours en vie, même s’il est dans un état critique. Les balles ont manqué son cœur.
« Donc, l’assassin n’est pas un Naga » comprit la jeune femme. Ces exécuteurs de reptiliens n’utilisaient jamais de revolvers. Ils tenaient à leurs rituels ancestraux et à leurs sabres.
— La police a arrêté le tireur, poursuivit son informateur.
— Connaissent-ils son nom ?
— J’imagine que oui, mais ils n’en parlent pas pour l’instant.
— Je vous en prie, faites-moi savoir lorsque monsieur Ben-Adnah sera en mesure de recevoir un appel téléphonique. Cela me rassurerait d’entendre sa voix.
— Bien sûr, mademoiselle Orléans.
— Et une dernière question : suis-je confinée dans cette chambre ?
— La porte ne sera pas verrouillée, si c’est ce que vous voulez savoir.
— Merci.
Océane avala quelques gorgées d’eau en continuant à regarder les images floues de la tragédie captées par un téléphone cellulaire. Si elle avait pu les relayer à Vincent McLeod, il aurait certainement été capable d’en tirer quelque chose. Peut-être Cédric était-il déjà en train de le lui demander.
L’agente fantôme se pelotonna sur le lit, laissant errer son esprit. Au fond, sa vie aurait été simplifiée si le tueur n’avait pas raté son coup. Ni Thierry ni elle n’auraient remporté le pari d’être le premier à éliminer l’Antéchrist. Sans doute auraient-ils pu disparaître tous les deux pour vivre une vie de couple normale, loin de l’ANGE et des reptiliens. « Comme si c’était possible…» désespéra Océane.
Elle repensa à sa dernière conversation avec Thierry, déplorant qu’ils se soient disputés au lieu de faire l’amour dans l’un des immeubles achevés. « C’est peut-être parce que nous sommes de races différentes » songea-t-elle. Les Nagas et les Anantas n’étaient-ils pas des ennemis jurés ? « Tout est tellement plus facile avec Asgad…» fut-elle forcée de constater.
Océane ne savait pas ce que l’avenir lui réservait, mais elle ne voulait pas se projeter trop loin dans le futur. Elle se réjouissait d’avoir atteint l’un des buts les plus importants de sa vie, soit celui de travailler pour la division internationale, même si, théoriquement, elle n’était plus un agent de l’ANGE. Lorsqu’elle avait accepté de devenir un fantôme, ses supérieurs avaient effacé toute trace de son passage à l’Agence. « Je suis l’un de ces héros qu’on oubliera », soupira-t-elle intérieurement. Toutefois, si elle devait parvenir à accomplir sa mission, elle passerait à l’histoire pour d’autres raisons.
De plus en plus déprimée, elle rappela à son souvenir les visages des gens qui avaient le plus compté dans sa vie, mais que son obsession du devoir lui avait fait trahir : Andromède, Pastel, le petit Tristan, sa grand-mère Chevalier, Yannick, Thierry, Vincent, Cindy, Cédric, Aodhan… Ils lui manquaient tous amèrement. « J’aurais dû profiter davantage des bons moments que j’ai passés avec eux au lieu de me conduire en égoïste », regretta-t-elle.
Ses pensées se tournèrent une fois de plus vers Thierry Morin. L’avait-elle vraiment abandonné en acceptant ses derniers ordres de l’ANGE ? Quelques minutes plus tôt, elle avait décelé de la douleur sur son visage et celle-ci n’était pas feinte. Existait-il une façon de le débarrasser du venin de Perfidia ? Pourquoi ne partait-il pas à la recherche d’un antidote au lieu de s’attaquer à un puissant reptilien qui possédait le pouvoir de retourner son katana contre lui ? Pour qu’Océane puisse répondre à cette dernière question, il aurait fallu qu’elle connaisse mieux le code d’honneur des Nagas. Ces hybrides allaient toujours jusqu’au bout de toutes leurs entreprises et ils ne craignaient pas la mort.
« Combien y a-t-il de traqueurs sur la planète ? » se demanda la jeune femme. Thierry n’était certainement pas le seul. D’autres varans tenteraient-ils de neutraliser le futur maître du monde ? Elle n’arrivait pas à se rappeler ce que son collègue Jeffrey avait écrit à ce sujet.
— Yannick, murmura-t-elle, en proie à un grand remords.
La sonnerie du téléphone de sa petite chambre retentit, l’arrachant à ses pensées. Elle se précipita sur le combiné.
— Allô ! répondit-elle.
— J’aimerais parler à Océane Orléans, je vous prie.
Ce n’était pas la voix qu’elle avait espéré entendre.
— C’est bien moi.
— Je suis le docteur Cohen. C’est moi qui soigne monsieur Ben-Adnah.
— Comment va-t-il ?
— Il est sauf. En fait, les premiers mots qu’il a prononcés à son réveil furent : « Appelez Océane et rassurez-la ».
— Quand pourra-t-il rentrer à Jérusalem ?
— Pas avant quelques semaines, j’en ai peur. Je vous tiendrai informée de son état.
— Merci infiniment, docteur Cohen.
Océane raccrocha et demeura interdite un long moment, essayant d’analyser ses sentiments. Pourquoi se réjouissait-elle d’apprendre que l’homme qu’elle devait tuer était toujours en vie ?